Deux des plus forts joueurs de notre temps (je veux dire Kasparov et Fritz, puisque l'ex-champion du monde ne fait pas mystère d'utiliser abondamment l'aide de l'informatique) se penchent sur les accomplissements des champions du passé. Ce premier volume passe en revue un bon siècle de l'histoire du jeu, du premier championnat du monde officieux (McDonnell-La Bourdonnais 1834) à la mort d'Alekhine (1946), sautant bizarrement la parenthèse Euwe (1935-37) gardée pour le deuxième tome. Comme son titre et sa couverture l'indiquent, l'ouvrage se focalise sur les quatre champions du monde officiels, mais les auteurs prennent le temps de nous parler un peu de leurs principaux adversaires, avec tout de même quelques négligences regrettables (Maroczy représenté simplement par une fin de partie perdue...). Par la force des choses, les parties présentées (117, plus une trentaine d'extraits) sont en général archiconnues, mais elles ont bénéficié d'un travail d'annotation fouillé, utilisant tant l'oeuvre des commentateurs passés que les ressources de la technique moderne, esquissant ainsi une sorte de mise en perspective de l'histoire des échecs. Osons tout de même deux petites critiques (ce qui fera donc trois au total) à l'encontre de ce bel ouvrage : la mise en page un peu négligente, qui rend la lecture de certaines parties un peu laborieuse, et la présence d'une introduction superflue où Kasparov se répand en considérations politico-historiques passablement filandreuses - tout homme, quelle que soit son intelligence, devrait se cantonner à sa spécialité... Un dernier détail : comme le livre s'achève inévitablement par un rappel (honnête mais un peu édulcoré) des agissements d'Alekhine durant la Seconde Guerre Mondiale, signalons que l'historien Ken Whyld vient de rééditer une plaquette contenant les articles antisémites écrits pour le Pariser Zeitung, accompagnés d'une introduction faisant le point sur l'affaire (Alekhine Nazi Articles).